Homélie - Fête de l'Ascension 2024 — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie - Fête de l'Ascension 2024

Homélie de l’Ascension 2024

(Le prêtre souffle une bougie) : Dieu seul est grand… Le sermon funéraire de Massillon devant le catafalque du Roi Soleil commençait par ces mots. Une légende malheureusement non vérifiée que j’ai entendue au séminaire voulait qu’il éteignit alors le cierge qui veillait sur le cercueil de Louis XIV. Je me fais l’écho de ce que j’ai entendu mais sans être sûr de mes sources. En tout cas la lumière éteinte rappelait que les hommes les plus illustres et les mieux inscrits dans l’histoire doivent aussi rejoindre l’obscurité de la tombe ou celle, pire, de l’oubli.

Il est  coutume à partir d’aujourd’hui d’éteindre le cierge pascal, voire comme dans l’ancien rite de le faire à l’issue de la lecture de l’Evangile. Je vais réitérer maintenant ce geste. (le prêtre souffle le cierge pascal).

L’extinction du cierge pascal n’est en rien comparable avec celle d’une veilleuse mortuaire. Elle est diamétralement contraire. Les cierges des chapelles ardentes tentent de retenir un semblant d’âme qu’elles enferment dans leur cercle de lumière. Le Cierge pascal s’éteint pour exprimer que le Christ emporte avec lui dans l’éternité sa propre humanité ressuscité et qu’elle échappe maintenant à notre vue. Le Cierge pascal ne symbolise pas la vie qui se consume et doit un jour s’éteindre, quand la cire a cessé de fondre ou qu’un souffle emporte avec lui la frêle flamme. Il symbolise les jours où le Christ a éclairé le temps des hommes par sa propre résurrection, avant qu’il ne commence à récapituler toutes choses dans l’éternité. L’Ascension célèbre cette entrée de la chair du Christ, en tout comparable à la nôtre, en tout différente puisqu’elle porte toute entière l’Esprit Saint et la résurrection, à la droite du Père. Nous soufflons donc  cette flamme non pour éteindre la vie, mais pour nous figurer qu’elle est maintenant cachée en Dieu.

Deux réalités nous apparaissent maintenant :

D’abord en tant que Premier parmi les hommes, Notre Seigneur Jésus Christ nous précède et est la tête d’un corps destiné à entrer dans la même réalité. Rm 8 : d’ailleurs la création tout entière crie avec nous dans un enfantement qui dure et aspire à cette ascension. Curieusement les anges qui s’adressaient les disciples après l’Ascension parle paradoxalement du retour de Jésus : « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel   « Cela est contradictoire avec un retour, son ascension ici rappelée est incompatible avec une descente, à moins que ce soit le reste de son corps qui entre définitivement dans la gloire de Dieu. Quand nous retenons le Christ comme tête de l’Eglise, son corps mystique, il apparaît presqu’évident que la symbolique que nous évoquons aujourd’hui, est celle de l’enfantement. Comme le nouveau-né qui passe la tête la première par les entrailles de sa mère à la lumière, au prix des souffrances que la vie impose, nous passons par les douleurs d’un enfantement. C’est la manière par laquelle l’Eglise lit son histoire et ses souffrances, ses persécutions et ses épreuves, pas pour les justifier, mais pour leur donner un sens. La tête, passée par la croix et la mort, entraine dans son expulsion le corps entier. Nous sommes encore dans les entrailles du temps et de l’histoire, dans l’obscurité d’une création grosse de nous-mêmes, quand le Christ est dans la lumière de la vie nouvelle. 

Ensuite, la flamme soufflée du cierge pascal laisse de légères volutes danser au-dessus de la cire chaude. Cette flamme disparue à nos yeux, comme le Christ enlevé à notre perception, va reposer sur les Apôtres et infuser en eux. Le Christ alors ne sera plus désormais en face d’eux, mais en eux. La fête de la Pentecôte si proche de l’Ascension inaugure ce basculement où notre perception du Christ se déploiera dans notre inhabitation mutuelle. Je revêts le Christ comme Chrétien, lui me constitue membre de son propre corps. Ce que je ne peux pas voir, je suis appelé à l’être. Dans mon être j’accepte d’être configuré à l’unique Fils de Dieu. Il faut bien comprendre que cette configuration n’est ni une lubie de mégalomanes vaniteux, ou de doux dingues qui se prendraient pour la réincarnation de Jésus. J’accepte aussi d’être incorporé à l’Eglise comme réalité de son corps. 10 jours pour que s’opère cette translation du visible à ce qui est intérieur, de la présence oculaire du Christ à sa présence spirituelle. L’Esprit Saint n’est alors pas une troisième étape dans le déploiement dialectique de la révélation, mais celui qui achève la configuration de l’homme dans la filiation divine et qui l’ancre dans la réalité trinitaire. 

Nos yeux peuvent essayer de transpercer le ciel comme l’ont fait les Apôtres. Ils vont bientôt réaliser que le Christ n’est pas un étranger, mais la réalité dans laquelle ils entrent dans la vie.

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