Homélie - Fête de la Pentecôte — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie - Fête de la Pentecôte

Homélie de la Pentecôte 2024

La fête de la Pentecôte n’a pas été établie à la suite des évènements relatés par saint Luc dans les Actes des Apôtres. C’est une fête juive très ancienne, qui fait partie des fêtes de Pélerinage  avec la fête de Pâque et celle des Tentes. Il n’était donc pas étonnant que les disciples rencontrassent aux abords du Temple de Jérusalem autant de monde pour écouter leurs prédications en langues. En effet le peuple juif commémorait le jour où Dieu confiait à Moïse et aux Fils d’Israël la Loi, la Torah, quand ils se furent massés autour de la montagne du Sinaï, fumante et rougeoyante. Les Juifs présents à cette Pentecôte que nous rapporte saint Luc venaient s’inspirer de ce texte de Loi qui perdurait depuis des siècles et constituait le socle collectif de l’Alliance entre Dieu et le peuple d’Israël. Elle était supposée enseigner la justice à une nation naissante et l’arrimer à la recherche d’une adéquation entre l’humanité et Dieu, entre l’humanité et la Sagesse. Les Chrétiens ont souvent une vision dévaluée de la Loi, car elle leur semble s’opposer à la libéralité de la grâce, et les contraintes objectives qu’elle promulgue une entrave à la spontanéité et à la liberté. Or dans son projet initial, la loi, quoi qu’on puisse penser de certains de ses préceptes, poursuit deux buts.

Le premier est d’ouvrir l’homme à des exigences universelles. Quand elle s’impose, la loi renverse l’ordre d’obéissance : l’homme ne plie pas l’universel à ses désirs, voire à ses caprices, mais obéit à une règle qui n’est pas contingente à son humeur. Si la loi civile ou la loi pénale cherchent l’adaptation de l’individu à la société, la loi prise au sens large vise à l’adéquation de l’individu à la nature et à son environnement. L’oubli de cette dimension dissocie le droit promulgué par un accord de  la majorité ou de consensus avec le fait que certains droits résultent de la nature même des choses, ils leur sont inhérents. Cette conception très répandue jusqu’à une période extrêmement récente est généralement battue en brèche dans les lois sociétales que nous connaissons depuis plusieurs décennies. Le courant sapientiel qu’on trouve dans l’Ancien Testament assimile la Loi à la Sagesse dans laquelle baigne l’œuvre créatrice de Dieu. 

Le second est de placer l’homme dans une visée, et donc une logique de vie. Une étymologie, que je ne saurais affirmer à 100%, veut que le mot « Torah » dérive du verbe « Yarah » qui signifie « viser ». La pratique de la Loi vise à susciter le développement des vertus de l’homme et le dispose à se conformer aux exigences de la vie et à celles de Dieu. Elle projette l’homme non seulement dans l’organisation interne d’une collectivité, mais aussi dans la perspective de l’entrée en Terre promise. Force est de constater que la Loi s’est révélée inopérante sur un point essentiel. En effet, soit parce qu’elle ne peut pas être appliquée intégralement par l’homme, soit parce qu’elle n’en porte pas la vertu, la Loi ne confère pas la vie éternelle. Cette précarité est relevée notamment par saint Paul, qui auparavant en avait été un grand zélateur quand il se nommait encore Saul.

   Ces rappels sur les spécificités de la Loi nous éclairent sur ce qui se passent à cette première Pentecôte chrétienne.

En effet, le don de l’Esprit Saint correspond au don de la Loi ou complète le don de la Loi. Sur les deux points antérieurement exposés, la visée et l’universalité, nous pouvons repérer deux « réponses » en quelque sorte :

Vous avez certainement remarqué dans les évangiles que Jésus annonce le don de l’Esprit Saint avant sa passion, mais qu’il est octroyé après sa résurrection. C’est donc ce même Esprit « qui a ressuscité le Christ qui nous ressuscitera ». Le don de l’Esprit Saint ouvre à la vie éternelle ce que la loi préludait. Il y a un point de basculement avec l’Esprit Saint. La visée de la Loi qui était la Terre promise laisse la place à la vie éternelle. C’est l’Esprit du Ressuscité qui est alors donné. Il nous donne les « arrhes » de la vie plénière en Dieu.

Si la Loi, par définition a une extension universelle, l’Esprit Saint demeure un don personnel. Jésus nous donne part à son esprit. Si nous nous basons sur l’évangile de saint Luc, nous observons que Jésus est conduit par l’Esprit Saint, celui qu’il suscite avec son Père céleste. Or l’Esprit Saint, accordé aux Apôtres, est un don personnel de Jésus. Cela ne remet en rien l’universalité de cet Esprit, mais la manière avec laquelle il est donné, est un don particulier de Dieu fait aux Disciples et à travers eux à nous. Si la Loi contraint par son universalité, l’Esprit Saint reproduit en nous « les sentiments qui sont dans le Christ Jésus (Ph2) ». L’universalité se conforme au singulier. L’Esprit Saint nous porte à l’unité des Chrétiens, tout en se conformant dans une relation personnelle à chacun d’entre nous. Cette relation que porte l’Esprit Saint est celle du Christ avec nous. Il n’annule pas le rapport universel de l’homme à Dieu, du multiple à l’unique, mais introduit le rapport de personne à personne. Qu’il était clairvoyant le charretier d’Ars quand il disait à son curé, saint Jean Marie Vianney : « Il m’avise et je l’avise ». 

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