Homélie du dimanche 8 septembre 2024 - 23ème du Temps ordinaire — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie du dimanche 8 septembre 2024 - 23ème du Temps ordinaire

Homélie du 8 septembre 2024

Le théologien français Louis BOUYER avait bien restitué la dimension polémique du mystère pascal. J’utilise ici le mot « polémique » en me référant à sa racine, polémos, qui en grec signifie la guerre. Le Christ est comparable à un combattant qui mène dans les dernières heures de son existence terrestre une ultime bataille qui l’oppose au péché et à l’Esprit du mal. Dans la méditation des « deux étendards », saint Ignace de Loyola décrit comment deux camps se font face, l’un dirigé par le Diable qui le dirige par la violence et la menace, l’autre dirigé par le Christ, qui comme un bon capitaine, passe parmi ses soldats, réconfortant les peureux et galvanisant les las, comme Russel Krowe incarnant le général Maximus dans le film Gladiator. Cette posture du Christ ne nous est pas familière car nous ne percevons pas cette dimension guerrière, ou nous la rejetons parce qu’elle nous parait contraire au pacifisme que nous lui attribuons. 

Or pour reprendre le mot du prophète Isaïe, vient le jour de la revanche et des représailles de Dieu. La délivrance et la délivrance qu’il opère n’est pas dirigé contre un peuple ennemi ou un tyran voisin, mais prend la forme d’une guérison et l’irrigation d’une contrée dont on suppose qu’elle s’est desséchée. Il s’agit d’une restauration aux accents apocalyptiques. La vengeance de Dieu devient l’achèvement d’une œuvre qui a été altérée et qui a besoin d’être parfaite et accomplie. Comme souvent dans la Bible, les images doivent être réinterprétées non pour les vider de leur sens premier, mais pour comprendre comment Dieu les accomplit. Ici, la dimension guerrière de Dieu se répercute sur son Fils et Messie. Il est effectivement celui qui affronte Satan, comme les tentations narrées au début des Evangiles nous l’enseignent, celui qui prend au piège de la crucifixion et du don total de soi, les forces de la mort. Le mal ne peut le comprendre et souvent les Pères de l’Eglise ont reconnu dans l’attitude du Christ une sorte de ruse tactique, en en retranchant la duplicité qui caractérise la ruse. Or la « vengeance » et les « représailles » ne sont pas seulement une manœuvre, même spirituelle. Elles contiennent cette transformation que la guérison exprime ou que l’étanchement suggère. La revanche de Dieu, opérée par la guérison de l’aveugle, du sourd-muet et du boiteux, annoncent que Dieu va définitivement réhabiliter la vie qu’il a de tout temps voulu conférer à sa créature bien aimée, celle que nous percevons déjà dans la résurrection du Christ. 

La guérison du sourd-muet du territoire du Sidon est assortie par ces gestes tactiles aux oreilles et sur la langue, qui évoquent le façonnage de l’homme par Dieu au moment de la création, et le soupir « effatah », « ouvre-toi » complète ces gestes de création, ou de recréation. Ils sont tellement évocateurs que la liturgie de l’Eglise les a repris précisément lors du baptême pour signifier cette idée de restauration et d’achèvement de la création. Un handicap est guéri, une fermeture est levée, et Dieu prend sa revanche sur l’échec de la chute et sur le drame de la condition humaine, inévitablement vouée à la mort.

Cela nous incline à méditer notre état d’inachèvement et le fait que Dieu nous « parfait », c’est-à-dire qu’il nous mène à cet état d’achèvement. La grande particularité est que cette revanche est que Jésus ne se contente pas de la posture du potier divin, mais qu’il habite en lui-même ce perfectionnement et cette restauration. Le fait qu’il le vive de l’intérieur de sa condition humaine l’assimile d’autant à nous. Les textes d’aujourd’hui ne soulignent pas vraiment cet aspect, mais nous le connaissons bien du fait de nos méditations de la semaine sainte. 

La correspondance évidente entre l’oracle d’Isaïe et l’extrait de l’Evangile.

 

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