Homélie du dimanche 7 Avril - 2ème dimanche de Pâques — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie du dimanche 7 Avril - 2ème dimanche de Pâques

Homélie du 7 avril 2024

Le Cénacle abrite les disciples abasourdis par la récente crucifixion et l’annonce de la résurrection. La réclusion des disciples et la venue du soir exhalent la peur qu’ils ressentent encore. D’une certaine manière ils demeurent dans le sillon des sentiments éprouvés lorsqu’ils furent dispersés le jeudi soir, tout comme saint Pierre porte toujours la culpabilité de sa trahison, qui ne sera levé que bien plus tard. Malgré l’annonce faite par Marie Madeleine de la résurrection de Jésus, et les premières attestations faites dès le matin par Pierre et le disciple que Jésus aimait, le cœur des disciples n’est pas encore habité par cette nouvelle réalité. Ce décalage révèle une sorte d’inadéquation entre ce que l’intelligence peut concevoir et comprendre et l’attitude qui devrait lui être attachée. Une vérité formelle et avérée n’est pas encore suffisante pour provoquer le changement comportemental qu’elle devrait produire. La résurrection du Christ est la clef ultime que recherchent toute science et toute philosophie. En effet, plus encore que d’obtenir le pouvoir et les honneurs, l’homme veut échapper au néant, que la mort consacre, au non-être d’où il fut tiré et où il retournera. La résurrection du Christ est en quelque sorte un élixir, car elle montre la transformation d’un être humain par-delà la mort, et avec lui de tous ses congénères. Comment expliquer alors l’attitude des disciples ?

 Il faut pouvoir sentir ce que l’attitude du Christ ressuscité a d’incongru. Sa salutation : «  La paix soit avec vous » suspend en quelque sorte tout reproche qu’il pourrait leur adresser et la simple ostension de ses plaies inaugure la réalité de la création nouvelle. Celle-ci n’est pas qu’une réplique améliorée de notre monde où nous serions plus jeunes, plus ardents ou jouissant de plus de plaisirs. A cause de l’obéissance de Jésus jusqu’à la mort, elle est une création en parfaite adéquation avec Dieu, renouvelée de l’intérieur, comme si elle était transpercée par la présence immanente de Dieu. Le don de l’Esprit saint, l’Esprit du Seigneur Jésus Christ, confère aux disciples d’abord de participer à cette adéquation par eux-mêmes, puis d’y faire participer les hommes.  Ce passage présume pour nous un très grand inconfort : en effet, la formulation de la vérité de la résurrection doit être accompagnée d’un don spécial que nous ne pouvons que recevoir et non obtenir. Cette déficience de nos capacités est liée au mystère qui est célébrée, et n’a rien d’humiliant au regard de ce qui est cru.

Saint Thomas caricature la résistance de l’esprit humain à entrer dans une telle attitude. Ses exigences ne visent pas la résurrection, mais bien l’exonération qu’il s’accorde d’y consentir sans la maitriser. L’évangile de saint Jean décrit un approche complexe de saint Thomas à l’égard de la mort. Il est prêt à mourir avec Jésus dans un mouvement quasi-suicidaire, quand celui-ci s’apprête à aller visiter Lazare au tombeau, prenant le risque d’être persécuté. Il est aussi celui qui interroge Jésus, à la Cène, pour savoir quel est le « chemin » pour pouvoir le suivre. Cette complexité psychologique et spirituel redouble les réticences de saint Thomas. Il semble que ses demandes sont à la fois des défenses contre l’acte de foi, et une immense ambition de toucher ce qui était mort et ce qui est devenu définitivement vivant. Le défi que lui lance Jésus surenchérit sur les attentes de Thomas et en quelque sorte constitue une contre-attaque. 

Ces deux attitudes mises côte à côte, celle des disciples et celle de saint Thomas, nous amènent à réfléchir sur la nature de l’acte de foi. Celui-ci est gradué à la mesure de l’objet dans lequel croire. La foi dans la résurrection, puisque celle-ci inaugure un autre état de la puissance créatrice de Dieu et de la relation de cette création avec Dieu, impose une grâce supplémentaire, pour ainsi dire théologale. D’autres faits ou vérités mobiliseront en revanche les capacités de l’homme. La foi ne procure pas la science globale des connaissances humaines, que l’homme doit acquérir par lui-même. Une saine distinction entre les deux nous met en garde à ne pas les confondre, et de ne pas attendre de nos capacités rationnelles d’entrer dans une réalité qui nous dépasse, et à l’inverse de croire que la foi se substitue à des savoirs que seul l’entrainement et le travail nous permettent d’acquérir. Cela étant dit, la rationalité ne préserve pas l’homme des réalités sacrées, mais quand elle est ouverte à une révélation, peut en étayer le caractère raisonnable. Combien de gens seraient-ils plus à l’aise s’ils comprenaient cette distinction et le fait que l’acte de foi chrétien est conditionné par son objet et un don spécial de l’Esprit Saint, qui établit les bases d’une vie pleinement spirituelle.  

Nous rencontrons maintenant le cas de Thomas, absent en ce premier jour de la semaine. Son esprit bute, voire se confronte à cette nouvelle réalité à laquelle il n’a pas pris part. 

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