Homélie - dimanche 21 juillet 2024 - 16ème du Temps ordinaire — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie - dimanche 21 juillet 2024 - 16ème du Temps ordinaire

Homélie du 21 juillet 2024

L’image de la royauté divine est largement inspirée par celle du Berger. Dieu ne conquiert rien, n’impose pas sa domination sur des peuples en faisant peser sa férule et sa puissance. Certes on l’appelle parfois Deus Sabaoth, le Dieu des Armées, étant entendu qu’elles sont célestes. Il soutient les armées d’Israël contre ses opposants et ses ennemis, dans des récits souvent épiques, dans lesquels l’exagération des massacres cadrent mal avec la vraisemblance. Il arme le bras du jeune berger David contre la formidable montagne de muscles qu’est Goliath et lui accorde ensuite de terrasser des myriades de Philistins. Je vous rappelle que myriade signifie 10 000. Les Hébreux n’échappent à la mode antique de faire participer les dieux aux guerres des hommes, pour favoriser l’issue du combat et la transformer en victoire. Un seul vrai Dieu contre l’arrogance des dieux païens pour les Hébreux, ou Guerre des dieux lors de la guerre de Troie quand les dieux se mêlent aux hommes dans leur bataille dans l’Illiade d’Homère.  Néanmoins cette prestance guerrière, ce statut « d’Imperator » n’atteint pas celui, moins reluisant, mais plus inspirant du berger. D’ailleurs ce statut est incomplet dans la Bible, et distordu. Je n’ai jamais rencontré que la figure du Pasteur exploitât le troupeau dont il prend soin. On ne parle pas de tonte, d’abattoir ou de traite, sauf quand il s’agit de parler du berger mercenaire. Le troupeau hétéroclite d’Israël comme réalité de la royauté divine contraste avec la troupe disciplinée des Dix Mille immortels de l’empereur perse.

Je poursuis dans ce parallèle et dans le contraste qui en ressort. Le maitre de guerre conduit ses troupes dans un rôle de coordination ou la simultanéité des ordres, c’est-à-dire la stratégie et la tactique, qu’il profère doit démultiplier sa propre puissance. S’il vous est déjà arrivé de lire des mémoires de guerre, par exemple celles de Winston CHURCHILL, vous avez peut-être été marqué par le détachement dont il fait preuve quand il envisage les pertes humaines de son propre camp. Elles font partie du calcul du tacticien, comme un mal nécessaire qui est le prix à payer pour la victoire. Il s’interdit de se laisser attendrir par la souffrance qu’occasionne sur le soldat. Ce réalisme pragmatique nous heurte aujourd’hui, mais se vérifie dans maintes occasions, des batailles napoléoniennes, au Chemin des Dames et dans les tranchées funèbres de Verdun. A l’inverse le berger emprunte les mêmes chemins que ses ouailles. Il doit chercher ces prés d’herbe fraiche, où les faire reposer. Qu’il soit devant pour les conduire, ou en arrière pour fermer leur marche, il s’identifie à ce troupeau. Jésus insiste dans la description du berger de ce lien particulier, qui le lie à son troupeau, qui se vérifie par la voix et non par la violence, par le don de sa vie qui le distingue du mercenaire. La houlette constitue son arme de préférence à l’épée, et perdure encore aujourd’hui dans la crosse de nos évêques. Ce sceptre lui permet d’appréhender les brebis rétives ou errantes pour les ramener dans ce groupe si complexe dans ses règles et ses fonctionnements qu’est le troupeau. Les cris du berger, les jappements de ses chiens, sa présence permanente, caractérisent le style « pastoral » du Dieu berger d’Israël.

Jésus assume totalement cette identification, et l’évangile d’aujourd’hui montre ses disciples comme des brebis à conforter et non comme une troupe à mener. Nous sommes impressionnés de voir combien il est accaparé, aux limites du raisonnable, à point que nous nous interrogeons sur l’épuisement qui risque de le guetter. Les Apôtres, quant à eux, assument cette position ambigüe d’être à la fois assimilée au Berger et au Troupeau. Saint Augustin résume cela : « Avec vous, je suis Chrétien, pour vous je suis évêque ». Les Apôtres tanguent entre la nécessité d’un juste repos ou cette implication constante, et Jésus lui-même leur reconnait cette ambiguïté de statut. 

Le côté anecdotique de ce temps de repos décrit par saint Marc nous amène à distinguer les Apôtres du Christ, ou au moins à bien situer leur rôle par rapport à celui du Christ, qu’on qualifierait plus volontiers de « participation » à la mission du Christ, qu’une réplique du Seigneur. Cela nous amène à reconnaître dans la mission des Apôtres la présence de cette figure du Pasteur, mais à ne pas exiger d’eux plus qu’un être humain peut donner. 

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