Homélie Dimanche 12 Mai 7ème dimanche de Pâques — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie Dimanche 12 Mai 7ème dimanche de Pâques

Homélie 12 mai 2024 7ème dimanche de Pâques

Il est courant que lorsque nous parlons de notre propre prière, surtout si c’est une prière de demande, nous ajoutions à la fin : « mais, attention, cela ne marche pas toujours ». Je me suis toujours interrogé sur cette réserve qui est assez récurrente. 

Petite description expérimentale de la prière.

En premier lieu, c’est sans doute la modestie qui joue. Les vrais priants savent qu’ils ne maitrisent pas grand-chose dans la prière. 

Ils sont passés par les étapes de murissement spirituel et psychologique : d’abord l’excitation ou l’émerveillement de prier. C’est la découverte de l’enfant ou du catéchumène, qui perçoit qu’au travers de la pratique de la prière, au travers des mots de la Bible ou d’un « Je vous salue Marie », il touche un monde qui n’est pas vide et que l’écho de sa pensée résonne dans l’espace et le temps et n’est pas enfermé dans son crâne. Dieu écoute et l’homme n’est plus seul. L’univers est l’œuvre de ses mains et il n’est plus vide. C’est ce que rencontre le converti adulte. L’enfant prie Dieu comme on parle à un ami imaginaire, sauf que l’ami imaginaire n’existe pas alors que Dieu si. Beaucoup d’athées confondent les deux.

Ils arrivent ensuite qu’on se pose des questions inférées par les critiques et le monde qui nous entourent : Après une première expérience libératrice et souvent dense, le priant se pose parfois des questions liées à la rationalité. C’est une étape qui constitue une épreuve. Sur le plan psychologique, on craint d’être le jouet d’une illusion, de pratiquer l’autosuggestion. Parfois les polémiques autour de la véracité des évangiles, de la réalité de l’histoire de l’Eglise, peuvent altérer la confiance en soi. Même si l’on arrive à utiliser sa raison et ses connaissances pour rétablir la vérité historique, pour remettre à sa place les soupçons scientistes qui ne voient dans la prière qu’une aberration de l’esprit humain, ou qu’on échappe à la dissolution lente de la notion d’homme dans la mentalité moderne, il n’en reste pas moins qu’une suggestion peut porter un impact affectif. La vérité suppose aussi de soigner l’affectivité et la confiance.

Ensuite encore, vient un moment, où la prière qui est une activité assez volontaire du priant inverse la polarité. Elle devient moins une activité qu’une présence, elle devient plus passive. L’homme se projette moins et devient plus disponible. Je précise les choses : il ne s’agit pas d’une extinction de la volonté humaine dans la prière, mais plutôt d’un rééquilibrage. La prière accepte un aller-venu incessant, déployé dans le temps, moins utilitaire, dans lequel on n’est pas à l’affut d’une intuition ou d’une illumination géniale (elle peut avoir lieu), mais d’une approximation (dans le sens de s’approcher) de l’homme et de Dieu. Souvent la prière est plus contemplative, même si elle s’appuie sur des « compositions » tirées de la sainte Ecriture. Elle intègre plus les personnes que les idées. Et les demandes comme les actions de grâce ne se déploient plus dans le caractère formel des mots. Elles sont maintenant insérées dans cette familiarité entre Dieu et les hommes et le message adressé à Dieu contient plus la personne qui l’envoie que l’information qu’il contient.

Enfin il y a l’abandon de l’efficacité. Cette notion d’efficacité est complexe pour nous. Dans la nature, un être inefficace est voué à être broyé par les rigueurs de celle-ci et dans notre appréciation de nous-mêmes, l’efficacité nous permet de nous jauger et de nous estimer. Seulement l’efficacité que nous poursuivons est celle qui nous convient et nous la situons dans le temps. Nous ne voulons pas perdre de temps et si nous nous concentrons dans la prière, nous attendons que les bienfaits attendus rentabilisent notre temps. Or la prière nous induira à abandonner inévitablement cette notion d’efficacité. « J’ai prié et ca ne fonctionne pas… ». Nous oublions que la prière n’induit pas de courber le monde autour de nous et d’agencer les évènements autour de nous, mais qu’elle nous décentre pour nous réorienter vers l’accomplissement du dessein universel de Dieu.  En renonçant à notre propre efficacité, nous redonnons à la prière son extension, et nous distinguons notre désir de la réalité spirituelle qui veut que notre temps est beaucoup plus large que celui d’une vie humaine.

Pour l’évangile d’aujourd’hui

Ce long détour qui représente 80 % de mon homélie d’aujourd’hui n’a que pour but de vous faire passer par les aspects de  la prière et parfois ses étapes et de vous faire relire l’évangile. Nous entendons ici non pas un discours, ou un essai de philosophie mais un dialogue dit à voix haute. Nous n’entendons que Jésus, mais il semble que ses propres paroles contiennent aussi la réponse du Père céleste. Remarquez qu’il ne parle pas aux Apôtres, il parle d’eux. Il affirme qu’ils sont comme enserrés dans la relation qu’il a avec son Père, comme si au travers des mots de la prière, les bras du Fils les portaient et ceux du Père les acceptaient, un acte d’offrande et d’agréement simultané parfaitement adéquat. Je ne m’étendrai pas tellement plus. Je vous invite pendant quelques instants à relire l’évangile d’aujourd’hui, vous rappeler rapidement comment vous l’avez lu auparavant, et puis de le relire à la lumière des points que je vous ai suggérés. 

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