Homélie de la Fête Dieu 2 juin 2024 — Notre-Dame d'Auteuil

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Homélie de la Fête Dieu 2 juin 2024

Homélie de la solennité du saint Sacrement 2024 - 2 juin 2024

Le bienheureux, pardon, le futur saint, Carlo Acutis s’est passionné pour les miracles eucharistiques. L’histoire est émaillée de récits où des hosties sont restées suspendues en lévitation, où elles se sont révélées incorruptibles, ou encore où elles se sont transformées en véritable chair, et le vin en véritable sang. Même si la prudence est toujours de rigueur, puisque le charlatanisme et la fraude peuvent se glisser entre d’authentiques miracles, il faut reconnaître que ces récits perturbent notre sens de la nature et rappellent que la volonté du Créateur peut parfois suspendre les lois qu’Il a lui-même instituées dans sa création. Les miracles eucharistiques nous rappellent que sous la banalité des éléments, du pain et du vin, se cachent la réalité de la présence réelle du Christ.

Symbole de la foi

J’aimerais avec vous aujourd’hui préciser plusieurs choses importantes sur ce qui est en jeu dans la foi de l’Eglise sur ce mystère eucharistique. Je dirai en premier lieu que l’eucharistie est un symbole (…). Un symbole… Dans l’acception courante, une symbole n’est pas concret, c’est une abstraction, une image. L’euro symbolique veut dire qu’on paie ou qu’on est payé pour quasiment rien. Le symbole est promus pour ce qu’il veut dire et non ce qu’il est. En matière liturgique, le symbole a une signification et une consistance beaucoup plus importante. Par exemple, le fait que ce soit du pain et du vin pris par Jésus pour instituer l’Eucharistie est symbolique. 
Jésus choisit en effet ces aliments à cause de leur récurrence dans la Bible, qui interviennent dans des étapes emblématiques ou décisives de la première Alliance pour se les approprier, pour les investir de lui-même : l’hommage à Melkiséedeq, la Manne, les psaumes, le repas de la Sagesse, la multiplication des pains, les Noces de Cana, le repas de la fin des temps, sont rapportés ainsi à l’usage que Jésus en fait lors de la dernière Cène. Ils associent ces évènements à un autre champ « symbolique » : l’agneau de la Pâque et son sang qui scelle l’Alliance entre Dieu et les hommes. 
En fait il faut savoir que dans son étymologie grecque « symbole » signifie « Jeter avec », et donc plus généralement « associer ». L’Eucharistie constitue donc une association des événements ou des perspectives qui l’ont préparé, comme cité plus haut et de ceux qui suivront. Elle associe ces réalités à Jésus lui-même. Par ailleurs le pain et le vin sont « symboliques » l’un par rapport à l’autre : assimilés au « Corps » et au « Sang » du Christ, ils jouent sur le rapport entre le corps et le principe de vie (le sang pour l’âme ). Dans la célébration eucharistique le prêtre d’ailleurs immerge une petite partie de l’hostie dans le Précieux sang, après la fracture du Corps (signe de mort) pour exprimer la puissance vivifiante de la Résurrection : « Que le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus Christ, réunis dans cette coupe, nourrissent en nous la vie éternelle ». La symbolique du pain avec le vin est alors signe de résurrection.  
La dimension symbolique est aussi assumée par la liturgie. En effet la présence « symbolique » du Christ est assumée par la constitution même de l’assemblée qui célèbre. La « tête » manifestée par le prêtre est en lien avec son corps, qui est « l’assemblée ». La communion alors n’est pas un simple acte individuel, mais assume la conscience de la réalité « symbolique » du corps du Christ. Ce qui est reçu personnellement engage aussi l’ensemble du corps. Si, pour des raisons essentiellement pratiques, la communion au corps et au sang du Christ est difficile dans la forme actuelle, qui supposerait qu’elle soit reçue comme dans le rite oriental sur la langue, elle est pourtant réalisée par l’unité du corps mystique du Christ, puisque le prêtre communie aux deux formes, par uniquement pour lui-même, mais aussi pour tous. L’association, le « symbole » joue aussi dans ce contexte. Nous ne communions pas pour nous-mêmes seulement, mais pour tout le corps du Christ qu’il constitue en se donnant.

La présence réelle

Tout ce développement « symbolique » n’élude pas la réalité du sacrement. Après avoir souligné les implications du symbole de l’eucharistie, si riche comme vous l’avez constatées, il faut maintenant revenir au « miracle » en lui-même. Ce « miracle » réside dans le fait que ce que signifie l’eucharistie dépasse la seule association de réalités, passées, présentes et à venir. Le soin pris par Jésus pour préparer le dernier repas montre combien lorsqu’il dit les paroles de la consécration implique une entrée de lui-même dans ses propres paroles. « Ceci est mon corps » ; « Ceci est mon sang ». Soit il parle de manière allégorique ou poétique, soit il associe au pain et au vin ce qu’il va vivre sur la croix en livrant son propre corps et son propre sang. Le symbole n’éteint pas son investissement dans ces paroles, mais trouve toute sa force quand nous réalisons que nous sommes devant une présence et non devant une idée. Nous utilisons un langage qui vise une réalité, que le pain et le vin de la Pâque soient radicalement identifiés à ce qu’il dit, et partant, à ce qu’il est. Nous parlons de présence réelle (présence dans la chose), de transsubstantiation. Il s’investit dans ce pain de la Pâque, du passage, pour se donner à ceux qu’ils entrainent dans son sillage. Il ne s’agit pas simplement de symbolisme, au sens faible du terme, mais de réalité où il se donne comme crucifié et ressuscité à chacun et à tous, pour transformer notre vie mortelle en sa vie éternelle. 

Souvent les Chrétiens éprouvent des difficultés en dissociant le corps physique de Jésus de son corps eucharistique. Comment deux formes seraient-elles compatibles ? De la même manière, ils ont du mal à comprendre la réalité du corps mystique de Jésus, dont nous sommes les membres, la confondant avec une allégorie d’un corps social avec sa tête ou son chef. Souvent ils renâclent à considérer que nous ne parlons pas d’atomes ou de molécules. La substance eucharistique n’est pas question de matière première, mais de présence personnelle. Si on prenait une hostie consacrée pour la regarder au microscope, on n’y décèlerait que les molécules du pain. Cependant la réalité essentielle qui y réside serait celle du Christ, celui qui se « tient dessous », « caché » ou sub-stare dans l’hostie. 

J’ai joué volontairement sur la différence entre symbole et présence réelle, car l’un ne va pas sans l’autre. Le Christianisme n’aime pas les alternatives, « soit l’un soit l’autre ». Cela est assez incommode, mais frappe notre compréhension non pas vers l’absurde, et le silence devant le mystère et le miracle, mais en la conduisant à considérer des réalités plus grandes que notre intelligence. La présence du Christ marque l’implication divine dans notre condition humaine et nous permet de comprendre combien nos vies sont précieuses.   

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